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26 novembre 2011

Réponse de la Fneo à XB et LW, lr 02/11/2011

Réponse à Xavier Bertrand et à Laurent Wauquiez

par FNEO, mercredi 2 novembre 2011, 09:47

Monsieur Xavier Bertrand, Ministre du Travail, de l’emploi et de la santé,

Monsieur Laurent Wauquiez, Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche,

 

Vous nous avez annoncé vendredi 28 octobre la reconnaissance du niveau master 1 des orthophonistes et la création d’un nouveau métier d’orthophoniste praticien au niveau master 2. La FNEO (Fédération Nationale des Etudiants en Orthophonie) souhaite au travers de courrier vous rappeler en quoi cette proposition ne saurait satisfaire les étudiants et vous alerter sur ses dangers pour les usagers du système de santé.

 

Un contre-sens par rapport aux références européennes d'un système en 3 cycles (Licence, Master, Doctorat)

« Le processus de réingénierie vise, vous le savez, la mise en œuvre des accords de Bologne et la reconnaissance d'un niveau universitaire aux formations paramédicales. »

Le processus de Bologne a pour objectif la construction d'un espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche, notamment par la mise en place d'un système basé sur 3 cycles facilitant la comparaison, la reconnaissance et l'harmonisation des formations d'enseignements supérieurs.

Ces 3 cycles sont la Licence, la Master et le Doctorat. Ils constituent des entités pédagogiques cohérentes visant l'acquisition de compétences spécifiques à chaque cycle décrites dans la cadre des Descripteurs de Dublin (Framework of qualifications for the European Higher Education Area)

Or, proposer deux niveaux de qualification à savoir Master 1 pour le Certificat de Capacité d'Orthophoniste et Master 2 pour des orthophonistes-praticiens spécialisés dans un domaine est un non-sens par rapport aux objectifs du processus de Bologne et de l'adoption d'un système d'enseignement supérieur reposant sur 3 cycles.

Ce clivage entre Master 1 et Master 2 au sein du cycle Master en France est préjudiciable à la cohérence du cycle Master et leurs conséquences néfastes sur la qualité de l'Enseignement Supérieur français ont été à plusieurs reprises dénoncées par lors des discussions du Comité de Suivi Master et dans le cadre de l'élaboration du rapport Jolion.

Comme en témoigne l'avis du 17 janvier 2007, le Comité de Suivi Master rappelle la nécessité de considérer le Master comme un ensemble « intégré » et réaffirme son attachement à ce que le cursus de master soit conçu comme un cursus de 120 crédits.

Par ailleurs, dans son rapport sur le Master, Jean-Michel Jolion précise qu'une sélection entre Master 1 et Master 2 n'a pas de sens au milieu d'un cursus conçu comme un ensemble de 4 semestres.

Il rappelle également que le système LMD (en trois cycles) a vocation à devenir le référentiel commun de la totalité de l'offre de formation supérieure en Europe.

Introduire une distinction entre des qualifications de Master 1 et Master 2 nuira à la lisibilité de l'offre de formation des orthophonistes au niveau européen.

Pour finir, le décret n°2002-481 du 8 avril 2002 relatif aux grades et titres universitaires et aux diplômes nationaux précise que :

Les grades et titres universitaires sanctionnent les divers niveaux de l’enseignement supérieur communs à tous les domaines de formation. Les grades fixent les principaux niveaux de référence de l’Espace européen de l’enseignement supérieur. Les titres fixent les niveaux intermédiaires.

Si l'objectif du processus de réingénierie de la formation des orthophonistes est d'appliquer le Processus de Bologne et les références aux niveaux de l'Espace européen de l'enseignement supérieur, il apparaît que seul l'obtention d'un grade Master permet de répondre à cet objectif.

Introduire de nouveaux titres pour des reconnaissances de niveau intermédiaire serait contre-productif par rapport à l'inscription de la formation universitaire des orthophonistes au sein de l'enseignement supérieur français organisé en trois cycles et par rapport aux références européennes.

 

Une régression par rapport aux exigences en terme de recherche

« Ces axes s'inscrivent dans une dynamique universitaire ambitieuse »

L'arrêté du 25 avril 1997 relatif aux études en vue du certificat de capacité d'orthophoniste précise que le mémoire de recherche théorico-clinique doit être, de préférence élaboré, sur deux ans.

Introduire un clivage entre des orthophonistes de niveau Master 1 et des orthophonistes-praticiens de niveau Master 2 va de facto casser la dynamique de recherche théorique et clinique qui doit s'élaborer sur deux années.

De fait, les étudiants en orthophonie de Master 1 qui ne pourront continuer en Master 2 verront leur projet de recherche soit avorté, soit bâclé. Or, mettre en place un protocole de recherche théorico-clinique prend du temps que ce soit pour l'étalonnage d'un test ou la validation d'une pratique thérapeutique. Remettre en cause ce projet serait préjudiciable au travail de recherche nécessaire à la qualité des soins, tant du point de vue de l'évaluation des troubles que de l'évolution des pratiques thérapeutiques.

Aussi, nous  pourrions imaginer que seuls les étudiants en Master 2 auront à accomplir une recherche théorico-clinique, ce qui signifie que le travail de recherche serait retiré à la formation « généraliste » des orthophonistes. Il s'agirait donc d'une véritable régression par rapport aux exigences actuelles de la formation et de l'exercice professionnel.

 

Une non-prise en compte des contraintes qui pèsent sur les capacités d'accueil des centres de formation, sur la démographie professionnelle et sur les besoins en terme de soins.

Les possibilités d'augmentation de la capacité d'accueil des centres de formations sont très limitées en l'absence de budget spécifique pour permettre l'agrandissement ou l'extension des infrastructures de formation.

Ainsi, en l'absence d'augmentation significative des capacités d'accueil par de nécessaires investissements, nos ministres de tutelle pensent pouvoir pallier le manque d'orthophonistes à venir (au vu des évolutions démographiques) par l'hyperspécialisation de quelques praticiens.

Si la création de nouveaux métiers est une piste pour répondre à la pénurie de médecins à venir, il serait contre-productif de croire que la spécialisation de quelques orthophonistes permettraient de répondre

1)      Aux besoins de consultation spécialisée médicale par manque de médecins spécialistes

2)      Aux besoins croissants de la population française sur les soins concernant les troubles relevant du champ d’action des orthophonistes

Sans même avoir une idée du nombre d'orthophonistes qui seront concernés par cette « pratique avancée », il s'avère évident qu'en l'absence d'augmentation significative des capacités d'accueil, cette spécialisation se fera au détriment du nombre d'orthophonistes généralistes nécessaires pour répondre aux besoins en soin.

 

Des contre-sens majeurs par rapport aux conclusions du rapport Hénart-Berland-Cadet

« Ce rapport, qui nous invite à poursuivre la rénovation des formations « socles », trace la voie de métiers de niveau intermédiaire. »

Il convient de rappeler deux éléments clés du rapport Hénart. Tout d'abord, le rapport Hénart énonce en préalable à toute création de nouveau métier la nécessité de « stabiliser d’abord les métiers socles, à en faire évoluer les contours et l’envergure et si nécessaire les niveaux de formation, bref à en tirer tout le potentiel au regard des nouveaux besoins en santé ». Ainsi, il est essentiel de terminer la phase de rénovation des formations socles avant d'envisager tout nouveau métier. Ce même rapport stipule également que « la mise à jour d’un métier existant et même une certaine évolution de son portefeuille de compétences et de son champ d’action ne sauraient constituer pour la mission un critère unique et suffisant de création d’un nouveau métier ». Pour finir il convient également de rappeler que la création d'un nouveau métier doit avant tout faire l'objet d'études d'impact afin d'évaluer l'intérêt pour le système de soin de cette création ainsi que son coût.

Alors que le processus de réingénierie n'est pas fini, les ministères de l'enseignement supérieur et de la santé souhaitent créer un nouveau métier de niveau master.

Ainsi, les ministères adoptent la démarche contraire et proposent la création d'un nouveau métier, avant même de faire évoluer le métier existant. L'évolution de la pratique orthophonique au regard des enjeux actuels en terme de santé ne peut constituer à elle seule un critère nécessaire et suffisant pour la création d'un nouveau métier.

Il convient de souligner que lors de ce processus encore inachevé, se sont malgré tout dessinés les contours d'une profession dont les compétences correspondent à celles d'un niveau master, telles que décrites dans le rapport et comme l'a reconnu le ministère de l'enseignement supérieur en mars dernier.

De plus, la création de ce nouveau métier a été décidée sans qu'aucune étude d'impact préalable n'ait été menée, contrairement à ce qui est préconisé par le rapport Hénart.

 

Il apparait clairement que le rapport Hénart sert d'argument alors que ses recommandations ne sont absolument pas appliquées.

 

« Elle devra permettre de déterminer le contenu d'une année de formation universitaire complémentaire de niveau master 2, destinée à répondre aux besoins de rééducation très spécifiques de certains patients, permettant ainsi de jeter les bases d'une nouvelle profession d'orthophoniste praticien. »

Le métier d'orthophoniste praticien serait donc un métier de rééducateur spécialisé pour répondre aux besoins de rééducation spécifiques de certains patients. Il convient de rappeler les objectifs des nouveaux métiers tels qu'ils sont développés dans le rapport Hénart. En effet, ces nouveaux métiers auront « des compétences jusqu’alors exercées par un médecin, ne justifiant pas le même niveau de formation pour réaliser des activités de diagnostic, de consultation, de prescription ». Ainsi ces activités de diagnostic, de consultation et de prescription nécessitent des compétences de niveau master selon le rapport Hénart.

Aussi, le nouveau métier d'orthophoniste praticien consisterait en de la rééducation spécialisée et ne correspond donc pas au concept même de nouveau métier tel que défini dans le rapport Hénart. En effet, comme dit précédemment les nouveaux métiers doivent avoir des activités de diagnostic, de consultation et de prescription. Il est nécessaire de rappeler que d'après le rapport Hénart, les compétences nécessaires à l'exercice de ces activités doivent être sanctionnées d'un niveau master.

Or, les orthophonistes actuels exercent déjà des activités de diagnostic, de participation à l'élaboration d'un diagnostic médical et de consultation comme cela est indiqué dans les référentiels activités et compétences élaborés au sein du ministère de la santé dans le cadre des travaux de réingénierie en cours ainsi que dans le décret du 2 mai 2002.

Si les orthophonistes n'ont pas d'activité de prescription médicamenteuse, il fait néanmoins pleinement parti des activités et compétences des orthophonistes de délivrer des conseils aux patients et à leur entourage sur les conduites et comportements à tenir ainsi que de conseiller des examens complémentaires comme cela est indiqué dans l'avenant à la convention nationale des orthophonistes paru au journal officiel du 27 février 2003.

 

« Elle devra permettre de déterminer le contenu d'une année de formation universitaire complémentaire de niveau master 2, destinée à répondre aux besoins de rééducation très spécifiques de certains patients, permettant ainsi de jeter les bases d'une nouvelle profession d'orthophoniste praticien. Des axes sont d'ores et déjà dessinés en neurologie (personnes victimes d'accidents vasculaires cérébraux, prise en charge des patients atteints de la maladie d'alzheimer, voire de la maladie de Parkinson, rééducation des aphasies, des surdités de l'enfant, des troubles de la déglutition) ou en ORL (problèmes de voix, personnes laryngectomisées). »

Il serait donc nécessaire pour rééduquer ces pathologies aux besoins très spécifiques de rééducation d'être titulaire de ce master 2 ouvrant au métier d'orthophoniste praticien. Il est important de se pencher sur les pathologies en question. Ainsi l’AVC, auquel a été consacré un plan par le ministère de la santé, est une pathologie particulièrement fréquente, on le chiffre à environ 130 000 cas par an en France avec dans 40% des cas l'apparition de troubles de la communication et aphasie.

En ce qui concerne la maladie d'Alzheimer, qui a également fait l'objet de plusieurs plans pluriannuels du ministère de la santé, on peut évaluer le nombre de malades actuellement en France à 860 000, avec une prévision de deux millions de malades en France en 2020.

Pour ce qui est de Parkinson, on compte environ 100 000 malades en France, et 8 000 nouveaux cas se déclarent chaque année. Avec le vieillissement de la génération du « baby-boom » et les gains réguliers d’espérance de vie, le pic épidémiologique est à venir.

Le nombre de personnes malentendantes en France s'élève à 7,6 millions, sachant qu'il y a une naissance sur 1000 concernée par des déficiences auditives, étant donné qu'en 1010, il y a eu 828000 naissances en France, on peut estimer le chiffre d'enfants nés avec une surdité à 82800 en France en 2010.Sans connaître le nombre exact d'orthophonistes praticiens formés chaque année, il semble évident que si une sélection est mise en place à l'entrée du master 2, ce nombre sera inférieur à 700 par an. Cette année de spécialisation étant nécessaire pour répondre aux besoins spécifiques en rééducations pour les troubles cités ci-dessus, on peut en conclure que seuls les orthophonistes praticiens seront autorisés à prendre en charge ces troubles.

Etant donné le nombre d'orthophonistes praticiens formés par rapport à la prévalence et l'augmentation prévisible des troubles, notamment liés au vieillissement de la population, ce que souligne le rapport Hénart, il est irréaliste d'espérer une meilleure prise en charge de ces patients ou ne serait-ce qu'une prise en charge de tous ces patients. La profession étant déjà en situation de quasi pénurie, cette nouvelle profession encore moins nombreuse ne saurait répondre à la demande croissante de soins dans ces domaines.

 

En résumé, au lieu d'améliorer l'accès aux soins et leur qualité, la création du nouveau métier d'orthophoniste praticien va accroître les inégalités.

 

Pour conclure, les futurs orthophonistes s’élèvent contre cette proposition qui non seulement ne permet pas d’inscrire les études en orthophonie dans le processus de Bologne mais qui en plus met en danger l’accès aux soins orthophoniques, précipitant ainsi toute une partie de la population dans l’exclusion.

Les étudiants en Orthophonie vous pressent de les recevoir en urgence pour réfléchir AVEC eux à une proposition cohérente.

 

En espérant avoir retenu toute votre attention,

La FNEO

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